Le Conseil constitutionnel n’a pas jugé inconstitutionnel le refus du gouvernement d’accorder la clause de conscience aux maires opposés au « mariage pour tous ». Ceux-ci se tournent vers l’Europe.
Le Conseil constitutionnel avait été saisie d’une QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) par le Conseil d’Etat, suite à une requête déposée le 2 juillet par le collectif des Maires Pour l’Enfance. Selon eux, l’absence d’une reconnaissance d’une clause de conscience pour les maires et leurs adjoints qui refusent de célébrer des « mariages Taubira » en raison du droit de chaque enfant à avoir un père et une mère, est contraire à la Constitution : « Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances » (alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946) mais aussi aux libertés fondamentales proclamées par la Déclaration de 1789 : «Nul ne doit être inquiété pour ses opinions » (article 10). Les maires réagissait notamment à la circulaire Valls du 13 juin menaçant des foudres de la loi (prison ferme, 75 000 € d’amende) les « maires récalcitrants », c’est-à-dire ceux qui refuseraient de célébrer un mariage homosexuel.
Le Conseil constitutionnel a fini par faire connaître sa décision le 18 octobre en signifiant que l’absence de cette clause de conscience n’était pas contraire à la Constitution. Cinq pages pour conclure « qu’eu égard aux fonctions de l’officier de l’état civil dans la célébration du mariage, le législateur n’a pas porté atteinte à leur liberté de conscience» – autrement dit pour nier l’évidence !D’où la colère et la détermination des Maires pour l’enfance :
« Le collectif des maires dénonce une décision incompréhensible qui marque un recul des droits de l’homme dans notre pays.
Pour Franck Meyer, porte parole du Collectif des maires pour l’enfance : « Cette décision est un désaveu pour le Président de la République qui avait affirmé devant les maires de France que la loi s’appliquait à tous dans le respect de la liberté de conscience. Cette décision est d’autant plus incompréhensible que nous proposions une solution toute simple permettant aux mariages d’êtres célébrés par un autre représentant de l’Etat »
Pour Maître Geoffroy de Vries, avocat du Collectif des maires pour l’enfance, c’est le statut même des élus locaux qui est remis en cause : « Le Conseil constitutionnel semble oublier qu’un maire ou un maire-adjoint est avant tout un élu au suffrage universel qui tient son élection de la mise en avant de ses opinions notamment politiques ou éthiques. Il n’est donc pas un simple fonctionnaire aux ordres de l’Etat. »
Le Collectif des maires pour l’enfance dénonce par ailleurs une décision entachée d’un grave vice de procédure, qui interroge sur l’impartialité du juge constitutionnel. En effet, l’audience a eu lieu avant la date limite de dépôt des mémoires fixée dans le règlement intérieur du Conseil constitutionnel, ce qui a empêché 7 autres maires de faire valoir leur point de vue.
La décision du Conseil constitutionnel ne marque pas la fin de la procédure contentieuse initiée par le Collectif. Le recours reviendra devant le Conseil d’Etat qui devra examiner la conformité de la circulaire du ministre de l’Intérieur du 13 juin 2013 avec le droit français et les conventions internationales conclues par la France (notamment le Pacte de New York de 1966 et la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales).
Par ailleurs, le Collectif des maires pour l’enfance ira jusque devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg pour faire reconnaître les droits des élus.
Dès à présent, le Collectif des maires pour l’enfance demande à être reçu par le Président de la République. »
Le collectif des Maires (qui a le soutien de 20 150 élus, maires et adjoints) a donc annoncé qu’il se tournait vers la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour obtenir satisfaction. Un choix approuvé et soutenu par la La Manif pour tous :
La décision du Conseil constitutionnel est « liberticide », a commenté Ludovine de la Rochère, Présidente de la Manif pour tous. Elle dénonce aussi « l’acharnement des pouvoirs publics sur ce sujet, acharnement qui va jusqu’à imposer aux maires d’agir à l’encontre de leur conscience ».
« Le Pouvoir n’en est pas à une incohérence près, ajoute le communiqué de la Manif pour tous : Claude Bartolone, Président de l’Assemblée nationale, déclarait lui-même, il y a moins de 48h, à propos de l’affaire Léonarda : « Il y a la loi. Mais il y a aussi des valeurs avec lesquelles la Gauche ne saurait transiger. Sous peine de perdre son âme ». La liberté de conscience n’est donc pas une valeur fondamentale et précieuse mais une simple variable d’ajustement avec laquelle la Gauche est prête à transiger ? »
Pour Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA et porte-parole de La Manif pour tous , c’est le totalitarisme qui menace la démocratie dans notre pays à travers la loi Taubira et le blanc-seing du Conseil constitutionnel :
« Le Conseil constitutionnel a validé une loi qui a écarté la clause de conscience des maires alors que le président de la République lui-même avait reconnu, devant le Congrès des maires de France le 20 novembre 2012, « le respect de la liberté de conscience » sur ce sujet. C’est bien que ce projet pouvait provoquer des objections éthiques. Il est toujours dangereux pour la loi de faire injonction à des élus d’agir en contradiction avec leur conscience intime. La démocratie risque alors de se faire totalitaire. N’oublions pas que le mariage en France implique la filiation et que c’est au nom du droit du plus faible, de l’enfant adoptable, pour qu’il ne soit pas privé d’un père ou d’une mère, que 20 000 maires et maires adjoints se sont unis en Collectif. A quelques mois des élections municipales, la mise au pas des élus locaux par l’Etat central est un signe de plus d’un syndrome de toute-puissance sur les consciences, ce qui fragilise notre démocratie. Ceux qui bénéficient d’une clause d’objection de conscience devraient la demander pour les élus préférés des Français. » La conscience personnelle prime sur la loi explique-t-il sur Radio Vatican.
Le combat se poursuit, et ce d’autant plus qu’il ne faut pas pour autant extrapoler la portée de la décision du Conseil constitutionnel, souligne la Manif pour tous :
« En jugeant la situation actuelle conforme à la constitution, il n’a en aucun cas jugé inconstitutionnelle l’existence d’une clause de conscience pour les maires qui refusent de célébrer ou de déléguer la célébration d’un « mariage Taubira ». C’est pourquoi le combat continue. D’autres actions judiciaires et législatives sont en cours actuellement : un recours a été déposé auprès du Conseil d’Etat sur la circulaire Valls menaçant de sanctions très lourdes les maires qui refusent de marier des personnes de même sexe et une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale et au Sénat pour le respect de la liberté de conscience des maires.»
La Manif Pour Tous apporte tout son soutien au Collectif des Maires Pour l’Enfance qui demande à être reçu par le Président de la République avant le prochain congrès des maires et qui a confirmé la saisine prochaine de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) suite à cette décision du Conseil constitutionnel.
« Cela prendra peut-être du temps, mais nous parviendrons à faire reconnaître le droit de l’enfant à avoir un père et une mère comme nous ferons reconnaitre la liberté de conscience des maires. Rien ne peut résister à la justice et à la liberté ! Nous ne lâchons rien ! » conclut Ludovine de la Rochère (voir ici sa réaction sur LCI)
Nul doute que la décision du Conseil constitutionnel va contribuer à réveiller les consciences, non seulement dans les rangs des maires mais de tous les citoyens. C’est la liberté de penser qui est menacée et qui, plus est, sur une question fondamentale puisqu’elle touche aux fondements mêmes de l’identité humaine, à l’essence de l’humanité.