Benoît XVI : « Avant d’être une série de pratiques et de formules, la prière est une manière d’être devant Dieu »
Comment prier ?
Il n’existe pas une seule manière de prier car la prière plonge ses racines au plus profond de la personne. Et c’est d’ailleurs pourquoi des malentendus peuvent surgir. En réalité, prier n’est pas facile .
La prière est une nécessité propre à la nature de l’homme qui porte en lui une soif d’infini, la nostalgie de Dieu et un désir d’amour.
L’homme sait qu’il ne peut pas répondre seul à son besoin fondamental de comprendre. Même s’il a nourri et nourrit encore l’illusion de se suffire à lui-même, il voit bien qu’il ne se suffire à lui-même. Il a besoin de s’ouvrir à quelque chose ou à quelqu’un qui puisse lui donner ce qui lui manque, il doit sortir de lui-même pour aller vers Celui qui est en mesure de remplir l’ampleur et la profondeur de son désir.
L’homme porte en lui une soif d’infini, une nostalgie d’éternité, une recherche de beauté, un désir d’amour, un besoin de lumière et de vérité, qui le poussent vers l’Absolu ; il porte en lui le désir de Dieu. Et l’homme sait, d’une certaine façon, qu’il peut s’adresser à Dieu, il sait qu’il peut le prier. Saint Thomas d’Aquin, l’un des plus grands théologiens de l’histoire, dit de la prière qu’elle est « l’expression du désir que l’homme a de Dieu ».
Cette attraction vers Dieu, que Dieu lui-même a placée dans l’homme, est l’âme de la prière, qui revêt ensuite tant de formes et de modalités selon l’histoire, le temps, le moment, la grâce et même le péché de chaque orant. L’homme a en effet connu dans son histoire plusieurs formes de prière, car il a développé différentes modalités d’ouverture vers l’Autre et vers l’Au-delà, si bien que nous pouvons reconnaître la prière comme une expérience présente dans chaque religion et culture.
La prière n’est pas liée à un contexte particulier, mais elle se trouve inscrite dans le cœur de chaque personne et de chaque civilisation. Naturellement, lorsque nous parlons de prière comme expérience de l’homme en tant que tel, de l’homo orans, il est nécessaire d’avoir à l’esprit que celle-ci est une attitude intérieure, avant d’être une série de pratiques et de formules, une manière d’être devant Dieu avant d’être l’accomplissement d’actes de culte ou la prononciation de paroles. La prière a son centre et plonge ses racines au plus profond de la personne ; c’est pourquoi il est difficile de la déchiffrer et raison pour laquelle aussi elle peut être sujette à malentendus et mystifications.
En effet, la prière est le lieu par excellence de la gratuité, de la tension vers l’Invisible, l’Inattendu, l’Ineffable. C’est pourquoi en faire l’expérience est un défi pour tous, une « grâce » à demander, un don qui vient de Celui à qui nous nous adressons.
Ce qui est essentiel dans la prière c’est de se mettre devant Dieu en tant que créature, créant ainsi une relation personnelle avec Lui.
Dans la prière, à chaque époque de l’histoire, l’homme se considère lui-même, ainsi que sa situation, face à Dieu, à partir de Dieu et par rapport à Dieu, et il vit son expérience de créature qui a besoin d’aide, incapable de se procurer toute seule l’accomplissement de sa propre existence et de sa propre espérance. Selon le philosophe Ludwig Wittgenstein, « prier signifie sentir que le sens du monde est en dehors du monde ».
La prière, dans la dynamique de cette relation avec celui qui donne un sens à notre existence, avec Dieu, trouve dans l’agenouillement l’une de ses expressions les plus typiques. C’est un geste qui renferme en lui-même une ambivalence radicale : en effet, se mettre à genoux peut être une contrainte ― condition d’indigence et d’esclavage ―, mais aussi un acte volontaire que je fais pour signifier mes limites, et donc mon besoin de l’autre.
A cet Autre je déclare être faible, dans le besoin, un « pécheur ». Dans l’expérience de la prière, la créature humaine exprime toute la conscience de ce qu’elle est, tout ce qu’elle réussit à comprendre de sa propre existence mais, en même temps, elle se tourne entièrement vers l’Etre qui lui fait face, elle dirige son âme vers ce Mystère dont elle attend l’accomplissement des désirs les plus profonds et un secours pour surmonter l’indigence de sa propre vie. Dans le fait même de regarder un Autre, d’aller « au-delà » rèside l’essence de la prière, comme expérience d’une réalité qui dépasse ce qui est sensible et contingent.
Toutefois, c’est uniquement en Dieu qui se révèle que la recherche de l’homme s’accomplit pleinement. La prière, qui est ouverture et élévation du cœur à Dieu, devient ainsi un rapport personnel avec Lui. Et même si l’homme oublie son Créateur, le Dieu vivant et vrai ne cesse d’appeler le premier l’homme à la rencontre mystérieuse de la prière.
Comme l’affirme le Catéchisme de l’Eglise catholique au n. 2567 : « Cette démarche d’amour du Dieu fidèle est toujours première dans la prière, la démarche de l’homme est toujours une réponse. Au fur et à mesure que Dieu se révèle et révèle l’homme à lui-même, la prière apparaît comme un appel réciproque, un drame d’Alliance. A travers des paroles et des actes, ce drame engage le cœur. Il se dévoile à travers toute l’histoire du salut. »
Conclusion
Pour apprendre à prier, Benoît XVI invite les catholiques à demeurer davantage devant Dieu, Dieu qui s’est révélé en Jésus Christ. Il les invite à apprendre à reconnaître dans le silence, dans leur intimité, sa voix qui les appelle et les ramène à la profondeur de leur existence, à la source de la vie, à l’origine du salut, pour les faire aller au-delà de la limite de leur vie et les ouvrir à la mesure de Dieu, à la relation avec Lui, qui est Amour infini.
Source:
Catéchèse du pape Benoît XVI – audience générale du mercredi 11 mai 2011