En cette Année de la foi, de quoi s’agit-il ? Un don de Dieu, mais qu’est-ce à dire ? La liberté de l’homme y a-t-elle sa part ?"La foi est un don gratuit de Dieu qui demande l’humilité et le courage d’avoir confiance et de faire confiance, afin de voir le chemin lumineux de la rencontre entre Dieu et les hommes, l’histoire du salut" (Pape François, Lumen Fidei, no 14).
Don de Dieu
La foi en Dieu est un don qui provoque le don de soi, mais c’est Dieu qui a d’abord l’initiative. Les grands témoins bibliques en témoignent : la foi est un don que l’on reçoit de Dieu. Il y a cette ouverture en nous du salut de Dieu révélé en Jésus Christ par l’Esprit Saint qui nous rend capables de l’accueillir. L’être humain est capable de Dieu, dit-on en théologie. Mais alors, pourquoi tous ne reçoivent-ils pas ce don?
On peut répondre ainsi: "C’est le mystère insondable de la grâce divine et de la liberté humaine". D’autres peuvent ajouter: "Les voies de Dieu ne sont pas les nôtres". De toute façon, on ne peut pas mesurer la foi, quantifier la grâce. Par contre, on peut demander ce don à Dieu, ce qui exige déjà un peu de foi et d’humilité. C’est ce qu’ont vécu beaucoup de personnes à travers l’histoire, tel le bienheureux Charles de Foucauld qui, conscient de sa fragilité, fit cette prière avant sa conversion : « Mon Dieu, si tu existes, révèle-toi à moi ».
"Tout est grâce"
La foi chrétienne est don et confiance en la parole du Fils, lieu où se noue le dialogue avec le Père. «Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui.» (Jn 14, 23) Notre demeure est le Père quand on suit la voie du Fils et qu’on vit par le souffle de l’Esprit. Tout est donné, tout est gratuit; « tout est grâce », disait Thérèse de Lisieux. « C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, à cause de votre foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. » (Éphésiens 2, 8)
Nous ne pouvons qu’accueillir le salut en Jésus Christ par le baptême donné et reçu. Là se situe la sainteté qui est d’abord une question d’accueil et d’amour, non de perfection et d’héroïsme. Le désir de sainteté est le cri de conservation de l’âme qui aspire à vivre en Dieu; c’est l’expérience de la miséricorde divine.
La foi d’Abraham
Abraham demeure le modèle de foi par excellence pour les croyants des trois grandes religions monothéistes. Il a tout risqué en disant oui à une parole de Dieu : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai » (Genèse 12, 1). Il ne savait pas où il allait, mais il faisait confiance en marchant en présence de Dieu. Sa foi est un don qui aide à vivre et qui s’enracine dans le jardin de la vie quotidienne, « le vrai de la vie », disait Thérèse de Lisieux. La foi d’Abraham met en lumière l’aspect relationnel de toute foi qui, en plus d’être un acte et un don, est une aventure, une vie, une expérience.
L’écoute du Verbe
« Dieu seul parle bien de Dieu », disait Pascal. Pour les chrétiens, cette communication passe par Jésus Christ, présence de Dieu parmi nous, révélateur de l’homme et du Père. « Nul n’a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui l’a fait connaître. » (Jean 1, 18) Une autre traduction parle du Fils qui raconte le Père, nous révélant ainsi son cœur miséricordieux : « Dieu, personne ne l’a jamais vu mais le Fils unique, Dieu appuyé contre le cœur du Père, l’a raconté » (Bible Bayard).
La foi, liée à la parole du Verbe, n’est pas condamnée au passé, mais suit le rythme de l’histoire. La Parole définitive de la Révélation ouvre toujours de nouvelles profondeurs et éclaire sans cesse l’histoire, car le Saint-Esprit, interprète du Verbe de Dieu, parle à toutes les époques. La foi est relation d’écoute de cette parole qui donne vie.
Un cœur qui écoute
Le Dieu des chrétiens est un Dieu qui parle. Il brûle de se dire, de se communiquer; « la Source a soif d’être bue », disait Grégoire de Nysse. Il adresse une parole que l’être humain peut écouter pour la mettre en pratique et transformer le monde. Parfois, il faut accepter d’entendre sans comprendre, de toucher sans voir, de croire sans savoir, dans le clair-obscur de la foi. L’important, c’est d’être un cœur qui écoute. « La foi naît de ce qu’on entend ; et ce qu’on entend, c’est l’annonce de la parole du Christ » (Romains 10, 17).
Pour bien entendre, il faut écouter, prier, mettre un peu de silence entre nos mots. N’être seulement que cela : un immense œil de prière et un cœur qui écoute. Prêter l’oreille du cœur à ce que Dieu dit. L’écouter pour l’entendre dans le cœur de nos frères et sœurs. La foi ne nous isole pas des autres, mais nous rend solidaire du monde, comme l’indique cette réponse de Paul et Silas à leur gardien de prison qui leur demande quoi faire pour être sauvé : « Crois au Seigneur Jésus ; alors tu seras sauvé, toi et toute ta maison » (Actes des apôtres 16, 31).
La réponse du cœur
Le croyant répond à la parole du Christ d’un mouvement spontané de son cœur, quasi instinctif. Il l’écoute, veut faire sienne cette parole, au-delà de tout enfermement idéologique. La parole du croyant devient « théopoétique » parce qu’elle est un acte total de sa vie au service de la foi, de l’Église et du monde. Sa parole traduit le spirituel en paroles, rend visible l’invisible, donne une forme au silence, célèbre le mystère pascal dans une liturgie qui est une réponse de toute l’assemblée. Nous faisons une pause en Église pour que la Parole nous transforme et nous repose, comme un silence respire entre deux notes de musique.
La foi chrétienne est une réponse confiante à l’initiative de Dieu que la Bible nous révèle fidèle et miséricordieux. « Si tu savais le don de Dieu », disait Jésus à la Samaritaine (Jn 4, 10). La qualité de ma réponse au don que Dieu me fait de sa vie se vérifie au don que je lui fais de la mienne. Je réponds à sa soif de venir habiter chez moi en me laissant aimer par lui, en m’ouvrant à son désir de salut et de bonheur pour moi.
La foi en Dieu n’est pas une opinion personnelle, mais la réponse à une parole que Dieu me donne, au-delà de toute aliénation. Cette parole pose question parce que Dieu y engage tout son être. Elle exige une réponse totale de ma part qui soit la plus incarnée possible, puisque Dieu me propose une alliance qui me rend debout, heureux, libre. Tout un pari.
Le pari de la foi
Pascal parle de la foi comme d’un pari. On croit sans trop savoir, mais il y a une joie à croire, alors on espère tout. « La foi est le moyen de posséder déjà ce qu’on espère, et de connaître des réalités qu’on ne voit pas. Et quand l’Écriture rend témoignage aux anciens, c’est à cause de leur foi. » (Hébreux 11, 1-2). Et l’auteur de l’épître aux Hébreux passe en revue les grandes figures de l’Ancien Testament qui ont fait le pari de la foi et qui ont été agréables à Dieu: Abel, Hénok, Noé, Abraham, Sara, Isaac, Jacob, Joseph, Moïse et bien d’autres. Cette foule immense de témoins nous entoure et « nous courrons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi » (Hébreux 12, 1-2).
La foi chrétienne est directe et totale; on fait confiance, c’est tout. Notre réponse de foi est avant tout une réponse d’amour au Père qui a tout donné en son Fils pour nous relever d’entre les morts. "La foi est la réponse à une Parole qui interpelle personnellement, à un Toi qui nous appelle par notre nom" (Pape François, Lumen Fidei, no 8).
Pour aller plus loin, voir mon essai : L’aventure de la foi: quinze variations (Parole et Silence).
Des extraits de ce blogue sont parus dans Prions en Église, Canada, 29 septembre et 6 octobre 2013.
Lire également sur ce blogue, L’acte de foi: confiance, liberté et relation.