Alors qu’en Italie une nouvelle tragédie en mer remue la conscience publique, en France une soixantaine de réfugiés syriens attendent que les pouvoirs publics sortent de leur apathie
Alors qu’à Lampedusa, en Italie, l’heure est aux larmes et à la compassion pour les victimes du terrible naufrage survenu, la semaine dernière, au large de ses côtes, dénoncée par le pape François comme « un grave et honteux manque de respect pour l’homme », à Calais, en France, le Secours catholique lutte pour voir respecter la dignité et les droits d’une soixantaine de réfugiés syriens, vivant dans des conditions extrêmement précaires dans l’attente d’un hypothétique passage vers l’Angleterre.
Le 11 septembre dernier, sept associations nationales de solidarité interpelaient le président de la République afin que la France “prenne sa part” dans l’accueil de réfugiés syriens. Le lendemain, le ministre des Affaires étrangères annonçait que la France préparait des mesures pour un tel accueil. Trois semaines plus tard, fait savoir le Secours catholique, aucune décision concrète ne semble avoir été prise.
Selon l’organisme de secours, à Calais, depuis des semaines, des dizaines de réfugiés syriens sont chassés de leurs abris de fortune et privés de toute protection de la part des pouvoirs publics. Certains ont même reçu une obligation de quitter le territoire français de la part de la préfecture.
Lassés, épuisés, ils ont décidé hier, le 2 octobre, de lancer un appel aux autorités françaises et anglaises : « Nous sommes ici depuis maintenant un ou deux mois. Le gouvernement français et la police nous ont très mal traités et n’ont montré aucun intérêt pour notre situation. Ils nous ont systématiquement expulsés de nos maisons pour nous mettre à la rue. À chaque fois que nous trouvons un endroit où rester, la police vient et nous arrête, détruisant nos effets personnels et fermant le lieu … « Nous sommes environ 65 syriens au port en ce moment, avec nos familles, des femmes âgées, des mères, des enfants, le plus jeune ayant trois ans, des amis, et plus de 50 agents de police. Nous avons le droit de mener une vie paisible et nous avons malheureusement une guerre en Syrie. Nous avons besoin d’aide rapidement. Nous recherchons la sécurité et un refuge en Europe, mais nous ne l’avons pas encore trouvé … »
Le Secours Catholique reprend cet appel et demande au gouvernement de leur répondre concrètement dans les plus brefs délais, qualifiant « d’indigne » la façon dont ces personnes sont traitées par les autorités.
L'attitude de la France interroge … C’est ce que fait Jeanne Emmanuelle pour Ouest-France, n’hésitant pas à accuser la France de « fuir ses responsabilités humaines. Cela, au moment même où les Nations Unies demandent aux pays d'accueillir des réfugiés syriens ».
« Le fardeau est trop lourd à assumer » pour les pays voisins de la Syrie qui, à eux seuls, en accueillent plus de deux millions, explique Antonio Guterres, haut-commissaire pour les réfugiés. Il demande aux États d'agir « pour se répartir cette charge, d'ouvrir leurs frontières et de continuer d'offrir une protection à tous les Syriens qui en ont besoin », rapporte la journaliste.
En Allemagne, l’appel a été entendu : Outre les 18 000 réfugiés syriens accueillis depuis 2011, le pays se prépare à en accepter 5 000 de plus.
A Lampedusa, pendant ce temps-là, la recherche de nouveaux corps, interrompue à cause du mauvais temps, a repris dimanche. Après une première réaction d’indignation, le jour du naufrage, le pape François a demandé dimanche , à l’angélus, aux pèlerins et fidèles de « laisser pleurer leurs cœurs » et de prier pour les victimes du naufrage (plus de 180 selon un bilan encore provisoire) auxquels un hommage officiel a été rendu, et pour les 155 rescapés que le maire de Rome, Ignacio Marino, dans un geste inédit, a décidé d’accueillir « en signe de rébellion contre la résignation et l'indifférence », comme le rapporte le Journal Le Monde.
Les Européens sauront-ils s’unir pour éviter que ne se répète ce genre de drame ? Le fondateur de la communauté de Sant’Egidio, à Rome, Andrea Riccardi, l’espère : d’après lui « L’immense tragédie de Lampedusa exige de la part de tous une réponse qui ne se limite pas aux condoléances, mais qui cherche les responsabilités et se fasse porteuse d’une proposition courageuse ».
Dans un communiqué publié le 4 octobre dernier , il déclare : « Nous ne pouvons pas ne pas dénoncer de nouveau avec force les carences de la politique européenne et mondiale, l’inadéquation des initiatives de la coopération internationale face au phénomène gigantesque et irrépressible, des migrations, une véritable urgence de notre temps. »
Selon Andrea Riccardi, ancien ministre de la coopération internationale en Italie, les trois grandes actions à promouvoir sont : instaurer « un système efficace de contrôle international sur les côtes de la Méditerranée » ; réprimer « l'activité criminelle des trafiquants d'hommes, de femmes et d'enfants… » ; Aider les « pays les plus pauvres d'Afrique et dans les zones de guerre ».
Comme dit Jeanne Emmanuelle pour Ouest-France : Ce n’est pas au moment où les Européens doivent s'unir pour que cessent les naufrages meurtriers, que la France doit se fermer, car comme dit le titre de son article : « Accueillir les réfugiés est un devoir d’humanité »