Après les accusations lancées par l’évêque d’Angoulême et académicien sur les ondes de Radio Notre-Dame, réponse du patriarche de l’Eglise catholique melkite.
La semaine dernière, Mgr Claude Dagens, évêque d’Angoulême et membre de l’Académie française, interrogé sur la crise syrienne, lançait un cri de colère sur les antennes de Radio Notre-Dame. Répondant aux questions de Louis Daufresne dans l’émission Le Grand Témoin , il prenait nettement parti contre Damas et accusait la hiérarchie catholique de collusion avec le régime.
La réponse du patriarche de l’Eglise catholique melkite, Gregorios III, directement mis en cause, ne s’est pas fait attendre :
Lu sur le blog de Patrice de Plunkett
Son Excellence Mgr Claude Dagens
Evêque d’Angoulême
Excellence et cher frère dans l’épiscopat,
Vous m’avez gravement et publiquement mis en cause sur les ondes de Radio Notre-Dame. Vous n’imaginez sans doute pas combien vos paroles diffamatoires ont blessé – et mis en danger – la communauté melkite si cruellement éprouvée depuis tant d’années.
Quel contraste avec la sollicitude du Pape François et la solidarité spirituelle si touchante de mes frères dans l’épiscopat et de tant de Français anonymes !
J’ajoute que beaucoup de chrétiens d’Orient sont des francophones fervents et ont été du coup particulièrement peinés par les attaques de l’Académicien que vous êtes.
De légitimes différences d’appréciation géopolitiques ne me semblent pas justifier le fait de porter violemment atteinte à la fraternité épiscopale et de choquer toute une Eglise en attaquant son Patriarche.
Sur la brèche et faisant front à toutes les difficultés et les tragédies de ces deux dernières années je n’ai eu de cesse d’appeler au dialogue et surtout à la réconciliation unique planche de salut pour la Syrie et pour laquelle je suis prêt à offrir ma vie en sacrifice. *
Demeurant à votre disposition pour en reparler, je vous assure, Excellence, de ma prière pour la paix, la communion ecclésiale, vous-même et votre diocèse.
Patriarche
Copies à
S. Ex Mgr Georges PONTIER
Président de la Conférence épiscopale frnaçase
S. Em. le Cardinal VINGT-TROIS
Ordinaire des Orientaux en France
S. Em. le Cardinal OUELLET
Préfet de la Congrégation des Evêques
Mme Hélène CARRERE d’ENCAUSSE
Secrétaire Perpétuel de l’Académie Française
* Le patriarche a en effet adressé de nombreux appels à la réconciliation entre Syriens. Voici par exemple sa lettre de Noël 2012 :
« Noël, un appel à la réconciliation »
Le chemin de la réconciliation est le chemin de l’Evangile. J’aimerais dire à mes frères dans le monde arabe, en Syrie particulièrement, surtout aux véritables révolutionnaires, que leurs demandes justes sont les demandes des chrétiens qui les réclament sans violence. Nous leur disons franchement que nous les chrétiens, quand nous proposons la réconciliation, nous suivons les enseignements de notre Seigneur dans l'Evangile. Nous ne voulons être inféodés à personne ; personne n’a le droit de renchérir sur nous, ou nous confiner à une faction, ou nous posséder, ou nous armer, ou nous attirer pour cette ou cette position. Nous sommes pour la réconciliation et les exigences justes.
C'est ce que nous avons exprimé, moi comme Patriarche dans mes lettres, de même l'Assemblée de la Hiérarchie Catholique en Syrie (rapport de 25 avril 2012), et la déclaration des trois Patriarches en Syrie (mai 2012).
La Réconciliation planche du salut
La logique de l'Evangile, sa méthode, ses principes de conduite, sa spiritualité, sa culture et la pensée de Jésus-Evangile sont ce qui inspire l'Eglise dans ses prises de position et toutes ses démarches.
A partir de cela, je me suis conduit et j'ai pris différentes initiatives pour vivre l'Evangile dans les conditions difficiles que vit la région du Proche-Orient. J'ai réalisé une tournée européenne, visité les capitales, participé à des congrès, donné des conférences, rencontré des hommes d'Etat de plusieurs pays (même plusieurs d'entre eux qui ne sont pas de mon avis), chrétiens et autres, arabes ou non.
A la suite de tout cela, je suis arrivé à la conclusion que la vraie et seule voie d'issue de la crise actuelle du monde arabe, surtout en Syrie, au Liban, en Egypte, en Jordanie, en Palestine, etc., est la réconciliation. J'ai publié, le 30 août 2012, un document intitulé "La réconciliation est l'unique planche de salut pour la Syrie". Je l'ai envoyé au monde entier, aux dignitaires chrétiens, et notamment catholiques, aux chefs d'Etat arabes et autres, aux organisations non gouvernementales (ONG), à des parlementaires, à diverses personnalités. Dans ce document, j'ai souligné que la mission de l'Eglise, fondée sur l'Evangile, est un ministère et un service de réconciliation.
L’importance de la Réconciliation
Voici mon analyse de l’importance de la Réconciliation dans tous les domaines.
Quelle que soit l'évolution de la situation en Syrie, la réconciliation est la seule voie de salut, aujourd'hui et demain.
La réconciliation évite la partialité à l'égard de l'un ou l'autre groupe.
La réconciliation est un appel commun et équilibré à tous les groupes.
La réconciliation est importante pour guérir les blessures, dépasser les inimitiés et les haines, et construire des ponts de dialogue social, politique et religieux.
La réconciliation est importante pour reprendre la construction de la pierre et de la chair, pour la solidarité, pour revenir à la normalité de la vie, et pour soutenir les pauvres, les réfugiés et les sinistrés.
La réconciliation est importante pour la reprise du dialogue entre les communautés, pour accepter l'autre et le respecter.
La réconciliation est importante pour faire revenir l'amour dans chaque maison, dans chaque ville et village, dans chaque parti, dans chaque homme.
La réconciliation est importante: c'est une mission mondiale. Nous sommes tous appelés à nous joindre à elle, sur les plans local, régional, arabe et mondial.
La réconciliation est la voie de l'avenir pour toute la région, et pas seulement pour la Syrie. Cela vaut pour la réconciliation arabe-arabe, arabe-Europe, arabe-juive (israélienne) et chrétienne-musulmane, dans le monde entier.
La réconciliation est de l'essence de l'Evangile. C'est le contenu de tous les dogmes chrétiens: la Trinité, l'Incarnation, la Rédemption.
La réconciliation a donc une dimension mondiale. Elle n'est pas seulement liée à la crise syrienne ou autre dans la région. C'est l'avenir de l'humanité qui est en jeu. C'est ce que nous dit l'Evangile, affirmant que Jésus est mort "afin de ramener à l'unité les enfants de Dieu dispersés" (Jean 11, 52). 6- Carême 2013. Solidarité dans la foi et la charité
(…) Nous faisons appel par cette lettre à la solidarité de tous, pour encore plus d’efforts pour trouver ensemble les moyens de faire face aux défis.
Nous faisons appel à nos frères musulmans pour soutenir nos efforts et préserver la présence chrétienne avec eux et pour eux. Ils savent bien combien cette présence chrétienne fut et est toujours si importante – et efficace – dans l’histoire du monde arabe sur tous les plans. Ils savent combien nos institutions éducatives, culturelles, sanitaires, religieuses, sociales et intellectuelles sont au service de tous les citoyens sans distinction. Tout cela, tout, est menacé de disparition si la présence chrétienne venait à disparaître. Aussi la solidarité chrétienne doit être une solidarité islamo-chrétienne, car le but est de servir notre société, nos patries arabes sans distinction, comme ce fut à travers l’histoire. Nous devons être solidaires, Chrétiens et Musulmans, pour un avenir meilleur pour nos générations montantes. (…)