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Une polémique sans fondement : Schuman et la CIA …

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Cédric Burgun - publié le 10/09/13
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Réponse à un article mettant en cause Robert Schuman, "père de l'Europe", accusé d'avoir été financé par les Etats-Unis, notamment par la CIA.

Publié sur le blog "Petits billets d'humeur" le 9 septembre 2013.

 Je ne sais pas si cela fut bien connu, mais nous avons fêté le week-end dernier le 50ème anniversaire de la mort de Robert Schuman. Fondateur de l’Europe unifiée et réconciliée, son procès de béatification, ouvert depuis plus de 20 ans par le diocèse de Metz, se trouve dans sa phase « romaine », c’est-à-dire étudiée par un postulateur au Vatican.

Le Salon Beige a publié un article *, en ce jour anniversaire, évoquant la figure de Schuman, mais surtout en terminant sur des liens supposés entre le père fondateur et la CIA. Schuman aurait été à la botte des US pour fonder l’Europe qui n’aurait plus qu’à servir l’oncle Sam. Cet argument, risible s’il en est, démontre deux choses.

Premièrement, le poids des médias et le non-recul avec lequel nous les abordons. Il y a eu une enquête d'un journaliste sur la question, alors que le procès de béatification, qui travaille depuis plus de 20 ans, a montré l’intégrité de l’homme sous tous les aspects. L’a-t-on interrogé ? Non. A-t-on fait des recherches sérieuses ? Non. L’article précité avance des faits historiques sans aucune preuve avec pour conséquence, volontaire ou non, de discréditer le projet européen fondateur.

Quand j’ai interpelé à ce sujet sur Twitter, un autre internaute m’a répondu que je devais savoir accueillir les opinions divergentes sur la construction européenne. Certes ; mais de quoi parlons-nous ? D’opinions sur l’actuelle construction européenne, c’est-à-dire des politiques qui donnent lieu à débats ou parle-t-on de faits historiques qui peuvent être démontrés ou démontés ? Je ne parle pas ici des opinions, mais bien des faits de l’Histoire que nous devons tous et toutes rechercher avec honnêteté et vérité sans alléguer des choses qui, sans fondement, ne servent que des idées préconçues.

Certaines archives des États-Unis ont été, selon ce journaliste, révélées (mais pour le moment, je n’ai vu aucune étude historique sérieuse sur cela) et démontreraient le financement d’associations et de fondations en Europe, et parmi eux, des hommes politiques. On sait bien que le financement des partis politiques par des pays étrangers ou des “groupes” étrangers – éternelle question ! – est une réalité ! A l’époque (et le financement des partis était bien moins encadré qu’aujourd’hui), comment imaginer qu’une Europe en reconstruction après trois guerres destructrices (pour n’évoquer que celles-ci) put se reconstruire seule ? A la fin de la guerre 39-45, par exemple, le financement des partis communistes en Europe occidentale par des pays eux-mêmes communistes n’était pas une nouveauté ! Les grèves insurrectionnelles de 1947 se sont d’ailleurs arrêtées, entre autres, par coupure de certains de ces financements !

Et les éventuels financements occidentaux qui visaient justement ces fondations ont largement à faire contrepoids à la menace soviétique et l’on sait, à la vue des événements de 1947 notamment, combien le risque était réel ! La France a failli basculer dans la guerre civile (cf. les événements de l’Ile-Bouchard et la prophétie de Marthe Robin).

Que penser donc de ces financements et de soi-disant liens avec Schuman ?
Ces aides financières, aidant les états européens occidentaux à faire face à des risques réels venant de l’Est, prouvent-ils se Schuman ait développé le projet d’unification de l’Europe pour servir l’oncle Sam ? Non ! De plus, il faudrait pouvoir démontrer pour ça que, non seulement Schuman obéissait à des ordres américains par quelque service que ce soit, et d’autre part, il faudrait aussi démontrer un enrichissement personnel de Robert Schuman. Or, sur ce point, les études historiques menées, tant pour le procès de béatification, que par le Conseil Général de Moselle (qui entretient la maison), démontrent combien Schuman, l’homme politique, mais aussi le chrétien, était un homme intègre, droit, et simple. Vivant comme un moine, il n’avait que faire des richesses de ce monde et refusait tous les honneurs et tous les conforts proposés à des hommes de son rang.

Je suis désolé que des arguments sans fondement soient livrés en pâture pour servir des idées anti-européennes. 

Et c’est mon deuxième point. Les chrétiens, mais plus largement les Français en fait, sont devenus avec le temps eurosceptiques comme on dit. Mais il serait bon d’équilibrer, là aussi, nos propos. Est-ce l’Europe qui impose bon nombre de lois inacceptables ou sont-ce les peuples qui ont abandonné les valeurs chrétiennes de leur histoire ? Est-ce l’Europe qui a abandonné toute référence à son passé et ses origines chrétiennes ? N’est pas plutôt le gouvernement français de l’époque qui avait rejeté toute référence chrétienne ?

Ce ne sont pas SCHUMAN, ADENAUER, DE GASPERRI qu’il faut mettre en cause et accuser sans fondement, mais bien leurs successeurs qui se sont montrés indignes d’un projet toujours soutenu et encouragé par le Magistère de l’Église ! Ce sont eux qui ont alimenté la culture de mort, entraînant à leur suite des populations entières dans le relativisme moral ambiant.  Mais c’est aussi l’absence d’engagement des chrétiens en politiques ces dernières décennies qui a provoqué l’affadissement que nous connaissons.

Alors oui, l’Europe cherche un nouveau souffle ! Mais ce n’est pas en tapant sur son fondateur qu’on le trouvera. Ces réactions démontrent une méconnaissance des souffrances endurées autour des frontières. Le fils de Lorraine et petit-fils de grands-parents déportés que je suis, la fierté d’être concitoyen de Robert Schuman ; enfant d’une terre meurtrie par la guerre, les rivalités, les appels au non-respect et à l’envahissement, ne peuvent se satisfaire d’une Europe en panne dont des chrétiens font allègrement le bouc émissaire de tous nos maux.

Tant d’endroits du monde rêveraient de vivre cette paix, sans violence et sans contrainte, dont nous bénéficions depuis 60 ans.

Des élections européennes auront lieu dans quelques mois : où serons-nous ? Qu’aurons-nous à proposer ? Comment et pourquoi l’Église par son Magistère appelle-t-elle de ses vœux un nouvel ordre mondial, fait de coopération, de mise en commun et de partages ?

Certains voient la légitimité d’un État dans sa souveraineté totale et inattaquable. Schuman, avec d’autres, la comprenait comme la capacité à appliquer les principes chrétiens à la vie politique, mais aussi aux relations entre nations : à mon ennemi, je tends la main ; au pauvre, je donne mon manteau.  Alors oui, partager signifie perdre pour soi : ce que je donne, je ne le possède plus. Le mensonge de ces dernières décennies a été de faire croire que le projet européen de réconciliation, de partage, et de mise en commun pouvait se faire sans perte pour nous-mêmes !

Nous devons nous ressaisir de la question européenne et arrêter d’en faire la cause de toutes nos misères dans l’ingratitude la plus totale. Ceux qui ont connu la guerre, ceux qui savent ce qu’est cette souffrance effroyable, savent ce qu’ils doivent au projet fondateur européen. À nous de nous en saisir. Ce beau projet pourrait devenir moribond de manière irrémédiable si personne ne veille à l’entretenir et le faire croître.
 
P. Cédric Burgun
* La source de l’article  republié par le Salon Beige est  L'Action Française 2000 (Note de Aleteia)
 
 

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