L’attaque le 4 septembre de ce haut lieu chrétien, où l’on parle encore l’araméen, la langue de Jésus, est une blessure profonde pour tout le Proche Orient.
« C'est la première fois que nous sommes attaqués », déclare une religieuse du monastère de Mar Takla, qui a souhaité gardé l’anonymat. « Ce qui se passe à Maaloula saigne le cœur. Comme ce qui se passe ailleurs en Syrie », déclare de son côté un religieux, au lendemain de l’attaque de l’un des plus célèbres villages chrétiens de Syrie : Maaloula, une petite localité située à 55 kms au nord de la capitale syrienne, Damas.
Jusqu’ici épargné par les violences, Maaloula a été pris d’assaut mercredi 4 septembre par des rebelles islamistes qui ont d’abord lancé une attaque suicide contre un poste militaire à l'entrée de la localité, tuant au moins huit soldats, avant d’entrer ensuite dans le village et d’ouvrir le feu sur les maisons, provoquant la fuite de la grande majorité de ses 3.000 habitants.
« La croix qui surmontait la coupole du monastère des Saints Serge et Bacchus n’existe plus (…) les églises Saint Léonce et Saints Côme et Damien ont été touchées », rapporte le Patriarche melkite, S.B. Grégoire III Laham, à l’agence Fides. « Cette énième tragédie de cette guerre constitue une blessure profonde pour tous les Syriens, le summum de notre souffrance », a-t-il ajouté. Tous racontent que des appels ont été lancés via des haut-parleurs, pour inviter ses habitants à se convertir à l'Islam. Puis les groupes armés se seraient retirés …
Le village, dont le nom « Maaloula » signifie « entrée », car construit dès l’origine à l’entrée d’une faille, est l'un des rares lieux au monde, avec Bakh'a à 7 km au Nord de Maaloula et Joub'adine à 3 km à l'Ouest de Maaloula, où les habitants parlent encore l'araméen, la langue de Jésus-Christ (cf. Q/R Aleteia). Il doit sa renommée à ses refuges troglodytiques des premiers siècles où, dit-on, les premiers chrétiens persécutés, se seraient réfugiés et où furent célébrées les premières messes chrétiennes.
Le village, abrite le monastère grec orthodoxe de Mar Takla, construit autour de la grotte et du tombeau de Sainte Thècle, première martyre chrétienne, fêtée le 24 septembre, et le monastère grec catholique des saints Serge et Bacchus : deux hauts lieux de pèlerinage fréquentés tant par les chrétiens que par les musulmans depuis des siècles.
Selon les historiens, l’église conventuelle du couvent Saint-Serge est la plus ancienne église du monde (cf. vidéo) Les archéologues estiment qu’elle a été construite avant le concile de Nicée qui s’est tenu en 325. Le couvent abritait des icônes arabes inestimables du XVIIe siècle, qui avaient été exposées à Paris en 2003. Elles ont été volées il y a quelques semaines.
Pour un prêtre du village, interrogé par l'agence de presse catholique AsiaNews à Rome, en attaquant le village, lieu donc hautement symbolique dans tout le Proche-Orient, en détruisant leurs croix, juste avant la fête de l’Exaltation de la Croix, « les extrémistes veulent lancer un message précis: le tour des chrétiens est arrivé, maintenant tout peut arriver! (…) Leur acte est une déclaration de guerre à la communauté chrétienne ».
Les chrétiens de Syrie avaient déjà été visés le 15 août dernier, jour de l’Assomption, très célébrée par les communautés chrétiennes d’Orient : Des rebelles avaient attaqué le barrage d’un village chrétien du Wadi al Nasara (vallée des chrétiens située au nord-ouest de Homs), provoquant la mort d’une dizaine de personnes.
Frédéric Pichon, historien et spécialiste de la Syrie, qui a vécu à Maaloula et consacré à la ville une étude : « Maaloula XIXe – XXIe siècle. Du vieux avec du neuf. Histoire et identité d’un village chrétien de Syrie » (Presses de l’Ifpo), confirme dans une interview à FRANCE 24, qu’il y a bien menace pour les chrétiens. Pour lui, cette nouvelle attaque contre le village Maaloula est une atteinte à un symbole, celui de « la coexistence possible entre musulmans et chrétiens » qui caractérise ce village, pour faire savoir aux chrétiens de Syrie « que le pouvoir ne peut plus les protéger et qu’ils ont les moyens de frapper où ils veulent et quand ils veulent. ».